lundi 6 mars 2017

Marguerite de Laron, et les fées, en Limousin

On parle d'un pauvre jeune homme, bossu et musicien, qui s'était endormi en plein bois près du château de Laron.. Robin souffrait de son infirmité : on le craignait, et les filles s'écartaient de lui. Il gagnait sa vie en tressant la paille et le jonc, et en faisaient des paniers et des chapeaux ...
Dans ce bois, en songe, il entend une musique, mais aussi des voix claires, naïves de jeunes filles. Il se réveille. De bien mignonnes jouvencelles dansent au clair de lune. Des fées à n'en pas douter. Leur refrain, à vrai dire, est simplet: « Dimanche, lundi.».. ! L'air, trop court, est monotone et un rien triste.
«Je vais leur apprendre à égayer cela», se dit le bossu . De son frestel (*), il donne le son , il joue la ritournelle des fées en y ajoutant quelques notes joyeuses. Étonnées, souriantes, les « fadettes » (filles) se tournent vers lui. Il rejoue le refrain, complété, en chantant: « Dimanche, lundi, mardi. »
Les fadettes, enchantées, entonnent, la chanson améliorée.
Encore, demandent-elles en battant des mains, et elles font leur ronde autour de l'artiste.

La plus belle de la bande - la reine des fées, pense-t-il – Et, là: ... il reconnaît La Dame Margot... ! - elle lui dit:
- Tu nous as fait un grand plaisir. Grâce à toi, notre chanson est beaucoup plus jolie. Nous la chanterons toujours ainsi. Pour te remercier, je vais t'enlever ta bosse. Tu mérites d'avoir le corps aussi beau que le cœur.
Elle lui caresse légèrement le dos. De tordu qu'il est, Robin devient droit. Sautant de joie, il  reprend la chansonnette sur un rythme de menuet que les fées dansent à ravir, en s'éloignant. En quelques secondes, elles ont disparu laissant pour seule trace un écho, répercuté par les roche des fées: «Dimanche, lundi, mardi, dimanche, lundi, mardi.»

Robin se sent bien plus léger que d'habitude, pour la première fois de sa vie il peut lever la tête, se tenir droit et tout lui semble de plus en plus beau.
C'est le silence... « Ai-je rêvé? », se demande t-il . Tâtant son dos redressé, il ne peut plus douter, la charmante rencontre a bien eu lieu. Il court au bourg annoncer la bonne nouvelle, qui fait sensation.

A quelque temps de là, quand l'histoire de sa bosse se fut répandue dans la région, une vieille femme vient frapper chez lui pour demander les détails de sa guérison, à l'intention du fils d'une de ses amies, lequel est bossu aussi. Robin, de caractère aimable et confiant, ne se fait pas prier pour décrire son aventure.


Or ce bossu, était depuis sa naissance un être geignard, irritable, mauvais  et plein de ruse. Quand il entend la musique des fées, il est si pressé de se débarrasser de sa bosse qu'il ne pense pas instant qu'il doit attendre le bon moment pour essayer une variation, ni même se soucier de bien chanter. Il interrompt sans vergogne la musique des fées avec ses braillements, « et mercredi, et jeudi » pensant que là où il en est passé un, deux passeront mieux, et que si Robin avait reçu un habit neuf, on lui en donnerait deux.
Un tel comportement provoque la colère des fées. Elles l'entourent avec force cris et hurlements : "qui a abîmé notre chanson, qui a abîmé notre air ?.
- C'est lui … Ses mots sont venus si mauvais dans l'air heureux que nous nous chantions ; il est si mauvais dedans, que sa vie peut encore en être attristé : voici deux bosses pour lui!
La reine des fées fixe la bosse de Robin par-dessus la sienne, aussi fermement que si des maîtres charpentiers l'avaient clouée avec des clous en or.
Au matin les deux femmes le trouvent à demi mort, les deux bosses sur le dos.
Il est mort peu après, et l'on se dit qu'il peut être dangereux d'aller écouter des airs féeriques du côté du Château de Laron ...

(*) Le frestel est une flûte de Pan du Moyen Âge.  

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