vendredi 18 novembre 2016

Un objet peut-il être une personne ?

Cette question, est le titre d'une ''CONVERSATION SCIENTIFIQUE''( France-Culture) – animée par Etienne Klein, avec la participation de Anne-Christine Taylor : anthropologue, Directrice de recherche au CNRS et conseillère scientifique d'une exposition, que j'ai découverte ensuite par Internet : ''Persona'' …
Bien sûr, témoignent alors des objets troublants des peuplades primitives qui dévoilent le caractère mouvant et multiple des objets rituels, magiques …
Mais, je pensais, moi, même s'il n'en a pas été question dans l'émission : aux reliques chrétiennes, mais surtout à l'hostie consacrée : objet et ''présence '' de Dieu …Avec cette question en tête, je reviens sur cette exposition '' Persona''

« Comment l’homme instaure-t-il une relation insolite ou intime avec des objets ? Un groupe d’anthropologues s’est penché sur ces questions, à l’heure où notre conception de l’humain vacille et que ses frontières ne cessent d’être repoussées. »La robotique aujourd'hui, nous permet de réfléchir sur le rôle de l’anthropomorphisme, dans notre relation avec des objets, et même avec des animaux …

"Comment un objet accède au statut de personne", c’est la question que pose Stéphane Martin, président du musée du Quai Branly, à travers une réunion d'objets issus de la robotique japonaise à l'astromorphologie indienne, en passant par la sculpture africaine.
Bien souvent, au cours de circonstances diverses, - la nuit, dans une forêt, par exemple...- … nous nous interrogeons : n'y aurait-il pas quelqu'un ? Même, derrière un objet … ? Derrière un cadavre … ?
En 1944, les psychologues Fritz Heider et Marianne Simmel montrent à un public, des figures géométriques avec mouvements aléatoires. Très vite, les spectateurs accordent des intentions aux formes. Mieux, ils donnent des sentiments aux structures mouvantes.



Il y a ceux qui vont encore plus loin et considèrent que l'invisible est peuplé de nombreuses présences. Fantômes, esprits, proches décédés...  Thomas Edison travailla les dix dernières années de sa vie, sur une machine pour faire parler les morts.
L'exposition nous invite dans "La vallée de l'étrange" de Masahiro Mori, pionnier de la robotique. Ce chercheur affirme que "plus une créature artificielle a forme humaine, plus elle crée de la curiosité, de l'empathie, de l'attachement; mais ceci est vrai jusqu'à un certain point". Passer un certain stade de ressemblance, c'est l'inverse. Elle déclenche un malaise, voir une vraie répulsion. Il situe sa "Vallée de l'étrange" entre l'animal en peluche et l'expression artistique de l'idéal humain. Dans cette "vallée", on peut découvrir une grande table en bois, avec un homme  en cours de fabrication. Il a été réalisé en 2011 par Stan Wannet , ingénieur et artiste.Il aime redonner vie à des yeux, des mains, des hommes de bois et travaille souvent avec des animaux morts. L'artiste explore aussi le rôle joué par les micros mouvements dans l'empathie. Il suffit de se retrouver face à face avec des boites d'yeux animés...
Au sujet des robots :ils sont de plus en plus évolués... Les plus forts dans ce domaine, sont certainement les japonais.
Minna Asada présente, sur un écran, ses robots à apparences humaines : plus vrai que vrai... Son robot Androïde CB2 est carrément gênant. Une jeune fille-robot déclare : "Je n'ai rien d'artificiel, je suis vrai". N'a t-on pas envie de la croire.. ? C'est peut-être ça le pire.. !

Certains passent le pas, avec la '' lovedoll '' … Cette poupée de compagnie, en silicone et entièrement articulée. Vu de loin, cette demoiselle pourrait passer pour une vraie jeune fille, d'ailleurs elle est présentée par ses constructeurs comme "compagne de substitution". Et toute poupée renvoyée à l'usine bénéficiera de funérailles dans un temple bouddhiste " précise la chercheuse Agnès Giard. Ou avec ces robots thérapeutiques faisant office d’animaux de compagnie...
Il est des présences potentielles, latentes, comme ce « mnong-gar » vietnamien, par exemple : une figure de paille qui se substitut au corps du malade en vue des rituels de guérison.
Nous ne nous interrogeons pas assez sur notre rapport à l'objet, à l'animal... Quel est le processus de transformation de la matière inerte en objet incarné (voir animé). Il faudrait explorer plus avant nos émotions provoquées (malaise, répulsion, fascination…), nos relations tissées (solidarité, empathie, attachement…).
Faudra t-il que nos artefacts nous ressemblent et jusqu’à quel point ? Sinon, de quelle manière doivent-ils différer ? Les robots sont-ils des personnes “non humaines” comme les autres ? La question vaut pour les robots, mais aussi pour toutes les créatures artificielles.
Le ''transhumanisme'' nous questionne : quelles sont nos limites physiques et intellectuelles... ?

Saint Valère
Ces questions nous renvoient à l'univers de l'invisible, avant qu'éventuellement il ne s'incarne … Ces objets peuvent-ils avoir un lien avec l’autre monde, l’au-delà … qui nourrissent les fantasmes les plus profonds de l’humanité depuis ses origines. La question « que devient-on après la mort ? » est posée … avec des amulettes, des reliques ….
L'exposition propose une expérience : chacun peut composer sa propre statue ou idole en plaçant une tête sur un buste et des pieds à sa guise au gré d’une installation rotative semblant suggérer dans un message d’amitié universelle – Choose your god – Choisissez votre dieu – …
C’est peut-être là, le cœur même de ce qui fait notre humanité, notre capacité à rendre tangible des présences invisibles et à questionner leur fondement, leur réalité. C’est elle qui nous conduit à la pensée spirituelle, religieuse, ésotérique, voire même superstitieuse, mais toujours dans cette quête avide de présence, quand « personne » devient une « personne ».
A faire l'inventaire de toutes ces manières de projeter de la ''personne'' sur des objets ; n'est-il pas légitime de se demander si l'homme n'est pas ce « mammifère agité et obstiné qui pense que le monde a été créé pour lui, et projette partout son image. » ?





Un dieu à visage d'homme ...

Même un espace vide ne se remplit-il pas irrésistiblement de présences, un phénomène paradoxal illustré autant par les tourments de l’ermite que par les expérimentations scientifiques comme cet extrait d’un documentaire de la BBC où sont observées plusieurs personnes isolées quarante-huit heures dans un noir complet, et qui montre que tous les cobayes, vers la fin de l’expérience, sont pris d’hallucinations. ?

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