vendredi 31 mai 2013

A quelle "distance" se situe la religion ? Aujourd'hui ...

LA FLAGELLATION de Piero della Francesca

Ce tableau (1455–1460) pourrait très bien illustrer, une question que la religion, aujourd'hui, ne peut pas ne pas se poser : Quelle place souhaite t-elle se donner, et quelle place - la société actuelle - est prête à lui donner ( ou laisser …)

Ce tableau - qui doit son nom à une scène qui est "en retrait" -... illustre aussi, le début de l'invention de la perspective : ce qui est « loin » est plus « petit »

Bien sûr nous goûtons la beauté des tons, la mise en scène théâtrale, et le grand silence qui semble régner … Il nous reste également une énigme : qui sont ces trois personnages indifférents à la scène qui se joue … ?

Ce tableau est le symbole d'une transition. En effet, Piero della Francesca (1415-1492) , est mort le jour de la découverte de l'Amérique !  Il est l'homme entre deux mondes : - le médiéval dans sa noblesse archétypique, et par une certaine retenue pieuse, et - le moderne représenté par la perspective : c'est à dire la représentation mécanique du progrès du monde, alors que la tendance médiévale serait la tendance mystique plus connectée à l’intuition ... L'humanité passe de l'une à l'autre comme un balancier … 

Où en sommes-nous aujourd'hui de cet équilibre ?
Ce tableau le résume : 

celui qui devrait être le plus « grand », est le plus « petit », parce qu'il est le plus « loin » … ! 
Aujourd'hui à quelle distance se situe la religion … ?

Sources: interprétation... suite une excellente émission de philosophie sur Arte avec Raphaël Enthoven

mercredi 29 mai 2013

La « liberté de religion » n'est pas dans la Bible …!


Je viens d'écouter, grâce au Collège de Bernardins, un propos du père Antoine GUGGENHEIM, sur la Liberté religieuse... Je pointe quelques traits qui m'ont frappés …

La « liberté de religion » n'est pas dans la Bible … Au contraire, il y a « tu détruiras les idoles ... » !

Les intégristes n'ont d'ailleurs pas manqué de le relever, et d'en faire un point essentiel … ! Moi aussi, mais à l'inverse …


Le texte de référence, est tiré de Vatican 2 : DéclarationN°9 sur la liberté civile de religion : réflexion à partirde la révélation

En effet, le fondement du Droit de l'homme à la liberté religieuse, n'est pas religieuse... C'est la « dignité de la personne » …
Pour simplifier, ce n'est pas dans la Bible que les évêques du Concile l'ont appris... C'est dans l'expérience des siècles passés... Et c'est aujourd'hui ( ou hier ) un « signe des temps ... » !
L'expérience est aussi « Parole de Dieu » …. Bien sûr, à vérifier, à discerner en Église, (grâce à La Parole) … Il y a interaction continuelle entre révélation et expérience …

J'ai donc besoin aussi bien, des incroyants, des autres religions, que de mon propre discernement pour avancer dans ma voie spirituelle.

Amen !

lundi 27 mai 2013

Pierre Rabhi

Auteur et conférencier, Pierre Rabhi est à la fois paysan, l'un des pionniers de l'agriculture écologique en France, et philosophe.

Né dans une oasis du Sud algérien d'un père forgeron, Pierre Rabhi est confié à un couple d'Européens dès son jeune âge. Il reçoit alors une éducation française tout en préservant ses racines.
Arrivé en France dans les années 50, ouvrier dans une usine de la capitale, Pierre remet en cause les valeurs de productivisme et de compétition de la modernité et décide de s'installer avec sa famille sur une ferme ardéchoise.
Après s'être heurté aux pratiques désastreuses de l'agriculture intensive, il se tourne vers des méthodes respectueuses de la nature.
Fort de cette réussite, c'est en 1981, au Burkina Faso, qu'il commencera à transmettre son amour de la terre et son savoir-faire agroécologique... Transmission qu'il n'a cessé de poursuivre aux quatre coins du monde, cherchant à fertiliser les sols désertifiés, à redonner leur autonomie alimentaire aux plus démunis, à promouvoir une réconciliation entre les Hommes et la Terre-Mère et à inaugurer une nouvelle éthique de vie vers une "sobriété heureuse"...

Pierre Rabhi a été à l'origine de nombreuses structures, nées de sa propre initiative ou de ses idées : ainsi l'association Terre & Humanisme (d'abord appelée Les Amis de Pierre Rabhi), le Mouvement des Oasis en Tous Lieux, le centre agroécologique Les Amanins, la Ferme des enfants-Hameau des Buis et plus récemment Colibris - le Mouvement pour la terre et l'humanisme.

Pierre Rabhi préconise ainsi l'agroécologie comme éthique de vie et technique agricole afin que les populations puissent regagner leur autonomie, leur sécurité et leur salubrité alimentaire tout en régénérant et
préservant leurs patrimoines nourriciers.

" L'agroécologie peut nous donner un avenir dans lequel il y a réconciliation de l'histoire de l'humanité avec la nature, en particulier la terre nourricière puisque c'est à elle que nous devons d'être ici ", a-t-il ainsi expliqué.
" L'écologie ne se résume pas qu'à la biosphère, elle intègre un système énergétique dans lequel tout interagit ".

Pierre Rabhi : "Il y a un préalable malheureusement. Tant que l’humanité considérera la planète comme un gisement de ressources qu’il faut transformer en dollars, ça ne bougera pas. Donc, le préalable, c’est le changement de vision. Et le fondement de notre travail, c’est d’ouvrir une porte, disons de la méditation, à travers le concret. Nous avons parlé de graine. C’est vrai. Dans une graine, aussi infime soit-elle, il y a l’intelligence de la vie. La graine est intelligente. D'où tient-elle cette intelligence ? De l’intelligence universelle forcément. Cette symphonie universelle, dans laquelle l’être humain s’acharne à jouer une fausse note. Bien sûr, on ne se contente pas de proclamations. Nous menons des actions et ces actions reposent sur deux mouvements créés afin de relier la terre et l’humanisme dont l’une des caractéristique fondamentale est « l’agroécologie. ». Elle a pour fonction de répondre aux besoins légitimes de se nourrir des populations, mais elle part du postulat qu’on peut parfaitement avoir ce rapport à la nature et se nourrir grâce aux ressources de la nature, sans pour autant la dégrader. Je dirais même qu’on a fait des expériences de régénérer les sols, dans le pays sahélien par exemple. Des sols morts, on en a fait des sols vivants. Pourquoi ? Parce que nous nous sommes inspirés des lois de la nature."




Une écologie spirituelle sans objet

Elevé dans l'islam puis dans le catholicisme, Pierre Rabhi s'est éloigné des religions du livre, et préfère aujourd'hui une approche spirituelle plus libre : 
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Auteur, philosophe et conférencier, il appelle à l'"insurrection des consciences" pour fédérer ce que l'humanité a de meilleur et cesser de faire de notre planète-paradis un enfer de souffrances et de destructions. Devant l'échec de la condition générale de l'humanité et les dommages considérables infligés à la Nature, il nous invite à sortir du mythe de la croissance indéfinie, à réaliser l'importance vitale de notre terre nourricière et à inaugurer une nouvelle éthique de vie vers une « sobriété heureuse ».

Cette vidéo est la quatrième partie d'un entretien réalisé par Eric Nanchen et Axel Roduit de la Fondation pour le Développement Durable des Régions de Montagne (FDDM), le 18 juin 2010 à Martigny, Suisse, dans le cadre du forum pour une culture de paix.

Entretien intégral sur www.vimeo.com/12869687

Le site de Pierre Rabhi
www.pierrerabhi.org/blog
www.facebook.com/pages/Pierre-Rabhi/1486­21088294?ref=ts
www.colibris-lemouvement.org

Production: Fondation pour le développement durable des régions de montagnes (FDDM)
www.fddm.ch
www.facebook.com/FDDMvs

Réalisation: Axel Roduit - juin 2010

samedi 25 mai 2013

Chrétien et Franc-Maçon...


Oui, on peut, tout simplement, être Chrétien et Franc-Maçon...
L'origine de la F :.M :., la rattache sans aucune ambiguïté à la tradition judéo-chrétienne... Certains rites , d'ailleurs, sont christiques (comme le Rite Ecossais Rectifié).

Compas et Equerre posée sur l'Evangile de Jean
Il convient de considérer la déclaration de la congrégation pour la doctrine de la Foi à sa juste valeur et, selon la hiérarchie des lois de l’église, ne saurait prendre le pas sur le droit canon. Or, celui de 1983 – le dernier en date – ne mentionne plus, en aucune façon, les Francs-maçons comme passibles d’excommunication, au contraire du droit canon de 1917.

En F M l'opinion ou la parole d'aucun maçon, n'a pas de valeur normative ( il n'y a pas de pape …!). La F.M. est diverse, et ainsi si l'un(e) peut combattre l'idée d’une « vérité révélée et intangible d’un Dieu à l’origine de toute chose », un(e) autre peut s'y référer … !

La voie « initiatique », de la Franc-Maçonnerie ne doit rejeter personne mais s'assurer avant l'entrée que chaque postulant a reconnu en lui les qualifications nécessaires à sa démarche. Ce volet « ésotérique » qui peut irriter certains ( le message évangélique est pour tous... bien sûr ! ) ne fait que pointer l'effort particulier et nécessaire auquel tous sont appelés mais que tous ne sont pas prêts à faire.

Les F.M. se disent « fils de La Lumière » .. ! Cette « lumière » n'est pas le Christ, ou une « révélation » particulière … ! La Lumière est une manière symbolique de désigner la Connaissance. Cette Connaissance se distingue des savoirs « profanes » par le fait qu'elle s'obtient non par exercice de la raison (qui n'est qu'une étape transitoire) mais par ce que Guénon ( ou Bergson...) appelle "l'intuition intellectuelle" et par la transformation progressive de soi-même … Les Francs-Maçons que ce sujet intéresse (ce n'est pas le cas de la majorité d'entre eux) ne prétendent pas que la Connaissance leur a été révélée mais que l'initiation leur donne des outils pour construire le chemin qui les aidera à s'en approcher.

Condamner et accuser est facile mais dangereux. Chercher à connaître et à comprendre est un chemin qui semble difficile, il est "simplement" bien plus enrichissant pour tous.


Suite: L'évêque d'Annecy, Mgr Yves Boivineau, a demandé au Père Vesin de quitter la franc-maçonnerie pour se consacrer à son ministère de prêtre", il a refusé : "Je trouve une complémentarité dans la double appartenance", a affirmé Pascal Vesin, en disant apprécier le "travail sur les questions de société" du Grand Orient. L'évêque d'Annecy a tenté de le convaincre de revenir sur ses positions, sans succès. "Je tiens à cette liberté de pensée et de parole qui m'est inspirée par l'évangile", a-t-il poursuivi.
Aujourd'hui, le prêtre dit n'avoir "aucune idée" concernant son avenir. "Je suis fait pour être prêtre. J'y croyais. J'ai une foi énorme, je sais que je vais rebondir", assure-t-il.
Sources « La Croix »
Je suis très touché par ce témoignage de foi, et de liberté de penser. Chapeau !

vendredi 24 mai 2013

Prêtre ou Franc-maçon: il faut choisir ...! Pourquoi ?


"A la demande du Vatican, l’évêque d’Annecy Yves Boivineau a démis de ses fonctions le curé de la paroisse de Megève, en Haute-Savoie. L’Eglise reproche au prêtre, le père Pascal Vesin, son appartenance à la franc-maçonnerie. Il aurait été initié en 2001 dans une loge du Grand Orient de France (G:.O:.). Or, pour Rome, une telle double appartenance, quelle que soit l’obédience maçonnique choisie, est impossible.

Pascal Vesin, a été officiellement informé de la décision dans la journée de jeudi, au cours d’un entretien avec Mgr Boivineau.


Le jeudi 17.01.2013, Pascal Vesin, curé de la paroisse Sainte-Anne d'Arly Montjoie * à Megève depuis 2004 et prêtre depuis 1996, s'entretenait avec une journaliste. Loin d'une image conservatrice de sa fonction, le père Vesin partageait sa vision .... sans doute trop "moderne" ...!

Comment voyez-vous votre rôle auprès des croyants ?
Être chrétien c'est accompagner les personnes dans leurs choix, leur vie. Le but d'un curé est d'éclairer les gens ; ensuite c'est la personne qui pose son acte. L'Église outrepasse son droit quand elle dit ce qu'il faut faire ! 
L'Église n'est pas monolithique, elle est plurielle. Une pluralité de pensée que l'on retrouve avec les quatre évangiles (selon saint Luc, saint Matthieu, saint Jean et saint Marc, Ndlr) soit quatre expériences différentes du Christ.

Vous devez quand même conduire les paroissiens à avoir une vie exemplaire pour accéder au paradis ?
Rien à faire d'être vivant après la mort ! La question c'est plutôt : est-ce qu'aujourd'hui les actes que je pose vont me rendre heureux et rendre heureux les autres ? La morale c'est comment être heureux et ne pas correspondre seulement à une norme. Maurice Zundel, un prêtre suisse, estimait que l'essentiel n'est pas de savoir si on sera vivant après la mort mais si on est vivant avant de mourir !

Quel est votre position concernant le projet de loi du mariage pour tous ?
Je suis un fidèle défenseur de la laïcité, de la loi de 1905 qui sépare l'État et les églises. L'Église n'a pas à s'immiscer dans le temporel.
Elle peut poser des questions, ouvrir le débat mais de là à manifester... Que l'Église accompagne les grands changements de société oui. Mais dans ce cas-là elle se trompe de combat. On ne l'a pas vue pour ArcelorMittal alors que des gens ont reçu une lettre de licenciement juste avant Noël. Derrière tout ça il y a un fort relent d'homophobie.
On m'a demandé d'afficher l'annonce de la manif contre le mariage pour tous le 13 janvier à Paris, j'ai refusé.

Et le mariage des prêtres ?
Si je me marie aujourd'hui est ce que ça va me faire changer ? Je pense que oui, ça pourrait transformer l'exercice de ma fonction de curé.
En fait, je suis favorable à l'ordination de prêtres déjà mariés qui montrent une certaine stabilité dans leur vie maritale. Selon la tradition Orthodoxe - j'ai fait une partie de mes études dans un institut russe - un prêtre ordonné célibataire le reste, s'il est marié rien n'empêche à ce qu'il accède à la fonction de curé. Moi je suis rentré à 18 ans ; je me sentais prêt depuis mes 11 ans. Mais pour d'autres il faudra plus de maturité avant de s'engager dans une telle fonction et peut-être auront-ils commencé à fonder une famille... 


Pensez-vous que c'est à l'Église de dire oui ou non au port du préservatif ?
Pourquoi l'Église devrait mettre son nez là-dedans. Soyons clairs, un couple amoureux s'il fait abstraction d'avoir des enfants passe à côté du bonheur. Eclairons les gens sans les infantiliser. Le bonheur c'est aujourd'hui !

Les paroissiens qui ne sont pas d'accord avec vous, vous le font-ils savoir ?
Ceux qui ne sont pas d'accord avec moi ne viennent pas me le dire directement ; ils écrivent à l'évêque le plus souvent. Ici, ils sont très attachés à la messe. Cette année dans lacrèche je n'ai pas mis de petit Jésus mais le livre de la parole. C'est la parole de Dieu qui s'incarne en Jésus.
J'ai eu beaucoup de réactions. Mais je les ai tous rassurés : on n'a pas perdu le petit Jésus, il est bien rangé !

Vous semblez très attaché à l'Église... 

Je crois encore en mon institution. Elle est en train de se réformer. L'Église n'a pas qu'une voix. Et on n'entend que ceux qui sont contre ! J'ai choisi ma liberté absolue de conscience, j'ai choisi l'Évangile. Je me sens en phase avec mon institution. Je sais que je suis fait pour être prêtre.

L'eau est un bien public, pas une marchandise !

L'eau et l'assainissement sont un droit humain! L'eau est un bien public, pas une marchandise !

Nous invitons la Commission européenne à proposer une législation qui fasse du droit à l'eau et à l'assainissement un droit humain au sens que lui donnent les Nations unies, et à promouvoir la fourniture d'eau et l'assainissement en tant que services publics essentiels pour tous. Le droit européen devrait exiger des gouvernements qu'ils garantissent et fournissent à tous les citoyens l’assainissement et de l’eau saine et potable en suffisance. Nous demandons instamment que :
1.    Les institutions européennes et les États membres soient tenus de faire en sorte que tous les habitants jouissent du droit à l'eau et à l'assainissement.
2.    L'approvisionnement en eau et la gestion des ressources hydriques ne soient pas soumis aux "règles du marché intérieur" et que les services des eaux soient exclus de la libéralisation.
3.    L'Union européenne intensifie ses efforts pour réaliser l'accès universel à l'eau et à l'assainissement.



Attention... Ceci n'est pas une simple pétition: c'est une "Initiative citoyenne européenne": 

Qu'est-ce qu'une Initiative citoyenne européenne (ICE) ?

L'Initiative citoyenne européenne est un nouvel instrument de démocratie participative qui existe en Europe depuis le 1er avril 2012. Par une ICE, des citoyens peuvent mettre une question au programme politique de la Commission européenne en rassemblant un million de signatures venant d'au moins sept États membres de l'Union européenne. La Commission veut donner ainsi aux citoyens un rôle plus actif dans le processus politique européen.

jeudi 23 mai 2013

Comment être catholique dans la société aujourd’hui ?


Pierre Paul Rubens L'Apothéose de Henri IV et la proclamation de la régence de Marie de Médicis, le 14 mai 1610:
La religion établit la légitimité politique, ici de la reine. La composition est fondée sur deux pôles : à gauche, "le Roy ravi au ciel" c'est-à-dire la divinisation de Henri IV après son assassinat par Ravaillac et, à droite, "la Régence de la Reyne". Leur fils Louis XIII n'ayant que neuf ans, Marie de Médicis, en tenue de deuil, prend la tête du royaume et trône au-dessus des vivants.


Je reprends ci-dessous le propos de Bruno Bouvet dans la Croix du 18/05/2013 :
« Y aurait-il donc deux attitudes antagonistes ? D’un côté, s’ouvrir au monde et l’aimer tel qu’il est ; de l’autre, affirmer ses convictions en résistance à une société qui ne les comprend pas et n’en tient plus guère compte. »

Effectivement, la lecture de l'actualité de ces derniers mois, envoie le signe d'une Eglise, qui craint de disparaître comme force de pression... et qui risque de s'en tenir à une attitude de crispation identitaire et qui ne pourra que - petit à petit - susciter le rejet.
D'autant que les cibles du combat qu'ont choisi « ces cathos-là », sont - encore une fois – des thèmes qui touchent la vie privée... mais, aucun regard sur l’économie politique, la place des banques, le rôle des industries multinationales, l’économie de marché, les énergies … !
Véronèse transpose le banquet des Noces de Cana ( 1563) dans un contexte vénitien qui lui est contemporain et même ultra-moderne (certains éléments d'architecture sont empruntés à des bâtiments créés par Palladio l'année même) et cosmopolite (sont mêlés vêtements orientaux et occidentaux)
Malgré ses couleurs chatoyantes et sa foule joyeuse, le tableau contient sa part d'ombre. Plusieurs signes renvoient à la finitude de l'homme.


De ce numéro de La Croix, je retiens également ces deux contributions ( extraits ) :
Véronique Albanel, enseignante à la faculté de philosophie du Centre Sèvres, suggère une façon parmi d’autres d’essayer d’être présent au monde, nourrie notamment de son engagement au Service jésuite des réfugiés.
« Aimer le monde, confie-t-elle, ce n’est pas forcément aller vers ce qui rassure. Je ne peux pas vivre en relation avec les autres en choisissant la peur et le repli qui en découle. Nous pouvons aussi nous exercer à nous reconnaître et nous aimer dans nos singularités différentes, même si la différence fait parfois mal. Hannah Arendt m’a fait comprendre que l’élargissement du cœur, inséparable de l’élargissement de la raison, est lié à la capacité de s’ouvrir à des points de vue différents. Cela demande une forme d’audace humble. Celle de nous quitter pour mieux vivre de l’Évangile, avec la certitude de nous ouvrir alors à la joie promise (Mt 25), et déjà là. »
James Ensor. L'Entrée du Christ à Bruxelles, 1898.
Pâques 2009  une sculpture représentant le Christ mort sur une chaise électrique
« Comme le rappelle le paragraphe 34 de Gaudium et spes, le monde n’est pas un rival de Dieu, résume-t-il. Voulu et aimé par Dieu, il est le lieu où s’exerce la vocation chrétienne. Ce n’est pas ailleurs que je participe à son dessein de salut, et ce n’est pas en dehors du monde que je vais trouver Dieu. Dieu est là où les hommes souffrent, se battent pour plus d’humanité. Le service du monde se vit à l’endroit où il est blessé, là où Dieu est. »

 Le Christ chassant les vendeurs du temple par Greco 1576

Et, ce que nous dit :Denis Müller, professeur d’éthique à la Faculté de théologie de Genève (Suisse)
« En philosophie et en théologie, on distingue le compromis fort, et le compromis faible ( autrement appelé la compromission). Ces deux notions n’ont rien à voir. La première désigne une résolution intermédiaire entre les extrêmes. En ce sens, un compromis fort est une méthode selon laquelle on essaie de se mettre d’accord avec un adversaire ou un partenaire soutenant une thèse opposée. Le but est de parvenir à une troisième voie qui tient compte de l’intérêt des deux autres. En revanche, le compromis faible, construit trop rapidement, a pour seul objectif d’éviter le conflit : il essaie simplement d’éteindre un conflit en empruntant trop rapidement une voie de garage. (...)

La Fête-Dieu était souvent  l'occasion de renouveler l'alliance entre les pouvoirs politiques et religieux...
Pour bâtir un compromis fort, il faut bien examiner tous les arguments qui se situent de l’autre côté et reconnaître qu’ils ont aussi leur raison d’être. Cela suppose une vraie éthique de la discussion, c’est-à-dire une écoute sérieuse des arguments de l’autre. Mais si, en conscience, mes principes résistent, je ne suis pas obligé de faire un compromis. Il ne s’agit pas de la seule option possible. On peut tous être appelés, dans certains cas extrêmes, à refuser le compromis, mais il faut avoir de bonnes raisons pour cela. ( ...)
Il faut toutefois garder en tête que l’éthique n’est pas composée d’une seule valeur mais de plusieurs. Si l’on érige une seule valeur en cas de conscience, on risque de s’isoler et de se retrouver seul. Si l’on accepte qu’il existe plusieurs valeurs complémentaires, cela rend les choses plus complexes. »



mardi 21 mai 2013

Puis-je lapider mon oncle ?

Un débat entre « croyants » et « incroyants » ( Ah ! Que ce vocabulaire est limité, mais je pense que nous nous sommes compris …); débouche régulièrement sur une confrontation avec  «  le Texte » religieux, (la Bible, le Coran ...) et sa lecture, son interprétation …


- Premier point : dernièrement, nous entendions au cours du débat sur « le mariage pour tous », dans une interview-télé d'une catho, dans une manif : « C’est une offense incroyable aux lois de Dieu ! Souvenez-vous que Dieu, dans l’ancien testament, a détruit Sodome et Gomorrhe, qui étaient deux villes homosexuelles. » Condamnation implacable d'une femme, sans doute porte-voix d'une parole divine toute aussi implacable … !
Et bien … Commençons par revenir au texte, c'est plus sûr :Voici ce qu’en dit Ezéchiel (livre 4, 16:48 et 16:49, d’après lirelabible.net : "Voici quel a été le crime de Sodome, ta sœur. Elle avait de l’orgueil, elle vivait dans l’abondance et dans une insouciante sécurité, elle et ses filles, et elle ne soutenait pas la main du malheureux et de l’indigent. Elles sont devenues hautaines, et elles ont commis des abominations devant moi. Je les ai fait disparaître, quand j’ai vu cela. »

- Deuxième point : sur l'interprétation. Je cite Delphine Horvilleur : rabbin du Mouvement juif libéral de France et rédactrice en chef de Tenou’a, trimestriel de pensée juive moderne.
« Peut-être avez-vous reçu, vous aussi, cette lettre très amusante qui a circulé sur internet ces derniers mois. Son auteur, qui n’est pas identifié, l’aurait adressé à l’origine à l’animatrice américaine d’un programme de radio, qui citait régulièrement la Bible (Lévitique 18) pour dénoncer l’homosexualité comme une « abomination ». En voici un extrait :

Les femmes ont désormais le droit de prier comme les hommes devant le Mur des Lamentations à Jérusalem. Jeudi 25 avril, le juge Moshe Shobel a considéré qu’aucune poursuite ne devait être retenue à l’encontre des cinq militantes de l'association de féministes juives « Femmes du Mur », arrêtées il y a deux semaines pour avoir prié à haute voix devant le lieu saint de la religion juive, alors qu'un arrêt de la Cour suprême le leur interdit depuis 2003. Elles portaient également des châles de prières et des kippas, normalement réservés aux hommes.



« Chère Madame, 
Merci de nous informer si justement de la loi divine. (...) J’ai toutefois besoin de vos conseils au sujet d’autres éléments du texte biblique et de leur mise en pratique : 
 - Lorsque je brûle un bœuf sur l’autel comme sacrifice, je sais que c’est une odeur agréable pour l’Éternel (Lévitique 1, 9) mais mes voisins s’en plaignent. Dois-je les éradiquer ? 
 - J’aimerais vendre ma fille en esclavage, comme l’autorise Exode 21, 7. Comment savoir ce qui constitue un bon prix ? 
 - Je sais qu’aucun contact avec une femme en période menstruelle ne m’est autorisé (Lévitique 15). Le problème est : comment savoir ? J’ai essayé de demander aux femmes qui m’entourent mais la plupart d’entre elles s’en offusquent (...). 
 - Mon oncle a la fâcheuse habitude de jurer et de blasphémer souvent. Est-il vraiment nécessaire de demander à toute la ville de le lapider (Lévitique 24). Ne peut-on plutôt le brûler à une fête familiale privée comme nous le faisons lorsque quelqu’un couche avec un membre de sa famille ? (Lévitique 20). 
Je sais que vous avez beaucoup étudié ces questions et je suis sûr que vous pourrez m’aider. Merci à vous de nous rappeler que la parole de Dieu est éternelle et inaltérable. 
Signé : votre fan. »



Le pape Benoit XVI fait de l’exclusion des femmes de la prêtrise, une décision infaillible
Cette lettre pleine d’humour place efficacement les « littéralistes » face à leurs contradictions.

La démarche de ceux qui se parent du texte comme d’un argument absolu souffre constamment d’incohérence. Le sens premier d’un verset est parfois invoqué comme légitime pour justifier une norme sociale établie, un mode de vie, ou un statu quo politique. Mais il est réfuté sans discuter – quand il s’agit de juger anachroniques certaines lois et pratiques pourtant légales dans la Bible, ou même prescrites (peu de gens militent aujourd’hui pour la lapidation de la femme adultère ou la réhabilitation de l’esclavage…)
Le paradoxe de ces lectures littérales est donc que leurs partisans invoquent le texte ou le réfutent tour à tour, au nom du « c’est écrit » ou au contraire de la distance interprétative.
Quand certains aujourd’hui encore citent l’écrit indiscutable, il est utile de rappeler qu’un texte est sacré si l’on accepte que son message n’est pas clôturé par son sens premier, et si l’on se refuse à l’instrumentaliser, En cela, la lecture rigoureuse des sources religieuses est celle qui demande le plus de souplesse. Elle est aussi celle qui soulève les questions théologiques les plus complexes : Quels sont les versets dont nous percevons la vérité littérale comme intemporelle ? Quels sont ceux qui nous faut approcher plus humblement encore ?
Une lecture honnête consiste peut-être à ne jamais laisser la source être kidnappée par un a priori, à ne pas permettre au texte d’être réduit ni à l’un des sens, ni à l’indécence.

lundi 20 mai 2013

Un message "nouveau"

Du moins des "signes" nouveaux ...


1. Le trône d'or a été remplacé par une chaise en bois ... Quelque chose de plus approprié pour le disciple d'un charpentier.

2. Pas d'étole rouge brodée d'or, héritier de l'Empire romain, ni la chasuble rouge ...

3. Il semble que les chaussures soient noires, et non pas rouges ...

4. François Utilise une croix de métal, pas de rubis et de diamants.

5. Son anneau papal est d'argent, pas d'or. 


6. Le tapis rouge est remplacé... 

dimanche 19 mai 2013

« La Parole », face au dogmatisme... -2-


Dogmatique et symbolique.
Ce qui est nécessaire à présent c'est de valoriser fortement le langage symbolique de textes mythiques... Ces textes nous communiquent une découverte intérieure, une histoire de l'âme ( psyché) qui ne peut se dire que sous cette forme et que nous ne pouvons saisir qu'en nous mettant au diapason de ce langage.

«  Viens, et vois », dit Jean ( 1, 46)

Quelle crainte avons-nous que nos textes rejoignent les mythes universels ? Ignorer la force créatrice de ceux-ci, voire même les démoniser... scinde conscient et inconscient. Il ne s'agit pas comme les détracteurs de cette approche le dénonce : «  de voir exclusivement la révélation comme une auto-révélation des profondeurs de l'âme humaine » ( Kasper) Le point de départ de notre spiritualité est ' La Parole' du Christ, elle permet une interprétation particulière des mythes.
On peut dire également, que ce sont les images archétypiques de la psyché qui se reflètent dans un événement de l'histoire. Sans doute, pourrions-nous, ensuite, aller plus loin dans une vision pluraliste des religions, en reconnaissant dans la révélation une forme de la religiosité humaine universelle …

Dire que la Parole de Dieu s'incarne, c'est dire qu'elle se manifeste en ce qu'il y a de plus basique en nous : ( «  Est descendu aux enfers » Credo )

La véritable difficulté aujourd'hui, est de parler de Dieu, en terme de nature ( voire même de substance : l'eucharistie...). Ceci n'est qu'une manière grecque de traduire sa foi. Aujourd'hui, le symbolique nous permet plus « efficacement » d'accéder à un monde spirituel.
Les 'dogmatiques ' semblent tellement craindre de rater – par exemple - la résurrection, qu'ils préfèrent l'annoncer dogmatiquement ( il faut croire sans douter!), sans avoir à passer par l'épreuve de la Foi ( et donc du doute …).
Etre incapable de penser symboliquement, c'est chercher sans cesse la réalité du religieux là où elle ne peut pas être ( l'espace-temps ..), et non pas dans l'affectivité et l'expérience de la psyché humaine...
Qu'il est donc vain, de penser pouvoir contraindre les gens à penser que les symboles de la foi chrétienne doivent être compris comme des réalités historiques objectives … ! Cette vision ne peut qu'engendrer fondamentalisme, obscurantisme pour les uns et cynisme et moqueries chez les autres …
Par exemple, nous pouvons très bien accepter la doctrine de «  l'enfantement virginal », pour affirmer la filiation divine de Jésus, sans affirmer son interprétation physiologique … [Jésus est bien né de l'Esprit ( Nicodème …)] … Jésus fils de Dieu, renvoie à quel Dieu ?

Ecrit à la lecture d'un ouvrage de Jean-Pierre Bagot ( prêtre breton) : La quête du sens, cœur de la rencontre : pourquoi je danse avec Drewermann.

Les illustrations sont de bas en haut, des reproductions d’œuvres de Anne Bachelier , Julius Von Klever (1850-1924), Herbert Schmalz et Julius Von Klever.

vendredi 17 mai 2013

« La Parole », face au dogmatisme... -1-


La plupart d'entre nous, sommes sortis d'un espace de compréhension, ou de connaissance ; dans lequel exerçait le « langage symbolique ». Cette translation s'est opérée au profit d'un langage aux concepts théologiques abstraits. Sans "transiger" sur le dogme, nous avons préféré le savoir du professeur à la connaissance du « maître »... Nous avons joué les funambules... Nous avons craint ( à juste titre … ) l'endoctrinement … 


En matière de « savoir », l'historique, le scientifique prime sur la poésie... Mais l'Evangile n'est-ce pas plutôt de l'Esprit, du « souffle », du vent … ! 
«Démythologiser» les Écritures, n'est-ce pas contradictoire avec le statut même de ce type d'écrits … ?

Avant le Concile, il était spirituellement dangereux de faire une lecture critique de la Bible. Lire la Bible, consistait à tenir à l'écart l'expérience intime de chacun ( = subjectivisme protestant …), pour n'y lire que des « vérités » à croire, et une moralité à appliquer.

Traditionnellement, on voit dans la Bible, une révélation d'en haut, Parole de Dieu venant progressivement et surnaturellement dévoiler des vérités divines éternelles... N'est-elle pas plutôt : l'expression symbolique du sens religieux que les hommes animés par l'Esprit donnent à leur histoire... ?

- Le risque de La Parole ( la Bible )
Dans le premier cas, on peut faire un catalogue de cette révélation ( il n'est même pas nécessaire de se situer dans l'histoire …) L'Eglise, hors histoire, présente un enseignement comme un dépôt figé, un dogme intangible ( que l'on modifie dans ses détails …), la Foi est un contenu... Dans l'autre cas, la Foi est un déchiffrement du sens de l'expérience ( par échange d'expériences de vie anciennes et nouvelles …), elle autorise (en confiance) l'homme à prendre part au déchiffrement du sens.
«  Raconte-moi ton histoire, et je te raconterai une histoire dans laquelle tu reconnaîtras ta biographie mystique »

- Comment la révélation chrétienne, la Parole de Dieu, peut-elle éclairer notre histoire ? 
Cette question ne se traite pas par un savoir, serait-il historico-critique, ou théologique …
Jésus est un « maître », un pédagogue...
Quels sont les langages qui répondent à nos questions existentielles, jusqu'à nos angoisses... ? Celui des mythes ; et aujourd'hui nous dirions aussi celui de la psychologie des profondeurs ( Jung), celui de la métaphysique parfois.( Kierkegaard)...

Si la religion, le plus souvent – sur un propos de libération – prêche la culpabilité ; Jésus prêche la confiance en soi-même et en Dieu... Dans le catéchisme de 1992, l'Eglise enseigne encore l'acte de désobéissance d'Adam et Eve...
La maladie, la mort ne seraient que l'effet du « péché originel »..etc. Comment peut-il être pensable de faire porter la responsabilité de l'acte d'un individu par toute sa descendance ?
Devant cette « histoire », la question devient : «  ma vie se définira t-elle par l'angoisse ou par une attitude de confiance approfondie ? ». Ce que nous décrit la rencontre avec le serpent ( le néant) ce n'est pas un acte de désobéissance, ou d’orgueil : il nous signale la déformation d'une existence marquée de part et d'autre par l'angoisse... Et c'est pour cela, qu'il est impossible de répondre à la question du « sens » par de simples commandements ou exhortations... Cette question appelle à une « rencontre », rencontre de quelqu'un en qui on peut avoir totalement confiance. Face à «  l'Amour », je comprends le vide et l'inutilité de mon sentiment de peur et de culpabilité profonde...
L'homme n'est pas « accusé », il est « aliéné » ...
Les illustrations sont des reproductions des oeuvres de Anne Bachelier:  une peintre et illustratrice Française, née en 1949... Ses fantaisies métaphysiques et oniriques évoquent simultanément des sentiments de force, de paix et de protection. Ce monde unique, hors du temps et de l'espace, place le spectateur dans la danse éternelle de la transformation et de la régénération.

mercredi 15 mai 2013

Marie de Magdala -2- La femme multiple


Marie de Magdala (en grec : Magdaléné). Magdala est le nom de la ville où était née Marie qu'on surnomme Madeleine.
Eugene Delacroix 
Marie-madeleine au pied de la croix
Titian: " Noli Me Tangere "
  • Marie Madeleine au calvaire : Mat 27, 55-56, Marc 15, 40, Jean 19, 25
  • Marie Madeleine au tombeau lors de l'ensevelissement et même au matin de Pâques : Mat (27,61; 28,1) Marc 15, 47 et 16,1 ; Luc 24, 10.... Elle cherchera alors à connaître l’endroit où on mettra le corps et préparera avec d’autres femmes les aromates et ce qu’il faut pour envelopper le corps.

  • si elle suivait Jésus, c'est parce qu'il l'avait guérie (sept démons étaient sortis d'elle : Luc 8,1-3)... Marie de Magdala avait répondu à l’appel du Maître à le suivre avec Jeanne, Suzanne et beaucoup d’autres. Et elle sera fidèle à cet appel, faisant route avec lui jusqu’à la fin, comme Luc le rapporte (Lc 8,4).
  • rencontre jésus ressuscité : Jean 20,1 -19
  • Elle sera la première femme qui diffusera l'Évangile à la demande même de Jésus (20,17-18) . Lorsque Jésus se manifestera à elle, elle répondra à l’invitation d’aller annoncer aux disciples qu’il était vivant : « Va dire à mes frères que je monte vers mon Père, votre Père, et mon Dieu, votre Dieu » (Jn 20,17) Jésus a confirmé sa mission d’« apôtre des apôtres », comme on la nommera au début de la chrétienté.
Jean Béraud 1848-1935 la Madeleine chez les Pharisiens, 1891
Sainte Marie-Madeleine à la Saint Beaume 1620

Pour créer le mythe « Marie-Madeleine », il a été nécessaire de confondre, au moins trois femmes:
  • une femme de 'mauvaise vie' non identifiée qui répandait du parfum sur les pieds de Jésus en Lc 7,37,
  • Marie de Magdala libérée de son mal au chapitre suivant en Lc 8,2 
  • et Marie de Béthanie, la sœur de Marthe et de Lazare, qui répandait elle aussi du parfum sur les pieds de Jésus en Jn 12,3.
  • Marie l’Égyptienne vient parfois s’additionner à cette équation déjà longue.
Jacques TISSOT; 1886-1894 Les précieux onguents de Marie Madeleine
Paul Baudry (1828-1886) , la Madeleine pénitente

On en a fait un seul personnage. Augustin, dans les années 400 (354-430), serait à l’origine de l'histoire ; et le pape Grégoire le Grand, dans les années 600 (595 apr. J.-C.), a contribué à fixer cette image dans ses homélies.
Vie de marie Madeleine Eglise d'Auron 1451
Lucas_Moser l'autel de marie madeleine rétable 1431


*** Nulle part dans l'Écriture elle n’est identifiée comme une pécheresse publique ou une prostituée. Au fil des siècles, on a transformé Marie de Magdala en convertie repentante du « péché de la chair » à cause de l’image de tentatrice, de séductrice attribuée à la femme.

lundi 13 mai 2013

Marie de Magdala -1-


Marie-Madeleine appartient aujourd'hui à notre « mythologie ». Il y a la vérité historique, qui nécessaire, ici m'intéresse peu... Il y a l'utilisation que l'Eglise en a faite … et la popularité de son culte, soutenue par la légende. Enfin aujourd'hui, il y a l'image, le symbole, le mythe sous-tendu par le personnage .

Tryptique de l'abbaye de Dielegem, Maître de 1518 (Jan Van Dornicke?):   Marie Madeleine présente : au centre avec Jésus chez Simon le Pharisien, à gauche lors de la Résurrection de Lazare, et à droite, en ravissement et un Abbé prémontré en donateur

Au Moyen-âge : Une dame pécheresse brûlée d’amour
Au XIe : Elle devient la patronne de la réforme de l’Eglise ( Vezelay )
Au XIIe : La féminité pécheresse et mortifiée
Marie-Madeleine, Gregor Erhardt (+1540)
Marie Madeleine de Donatello (1386-1466)
Vénus de Sandro Botticelli, tableau peint vers 1485

La Contre Reforme en fait une figure de proue. Elle incarne la pénitence, et la rédemption possible de l’humanité et est de fait une sainte particulièrement vénérée. Elle illustre également, le thème de la vie qui passe et s’achève, de la beauté qui file, des vanités en général : très apprécié au XVIIème siècle.
Marie-Madeleine est à la différence de Marie, une figure humaine... Elle peut représenter l´Éternel Féminin, la Sophie des philosophes...
Le symbolisme accompagnant cette figure féminine est parfois repris des religions précédentes devenues mythes, récupéré magistralement, par la vox populi à travers les contes de fée.
Marie-Madeleine, est la troisième femme d'une trinité femelle, les deux autres étant Marie (mère de Jésus) et Ève, la toute première. Sans ( le troisième point ) Marie-Madeleine : la femme chrétienne ne peut se trouver... Marie est trop parfaite pour être imitée, avec le dogme (immaculée) elle ne peut plus être un modèle, Ève est la faute incarnée, la malédiction (les règles des femmes en anglais se disent curse of Eve)... !
 Agnolo Bronzino, La Pietà avec Marie-Madeleine, 1529
Marie de Magdala incarne le point de passage entre Marie et Ève.
Arnold Böcklin (1827-1901) : Marie Madeleine pleurant le Christ mort 1867

«(..) si, comme l'écrit Mircea Eliade, « le mythe raconte une histoire sacrée, et relate un événement qui a eu lieu dans le temps primordial, le temps fabuleux des commencements. »
Marie Madeleine est bien aussi un mythe. Les théologiens du Moyen Âge ont fait d'elle la nouvelle Ève, la mère de l'humanité renouvelée par la résurrection du Christ. En elle se concrétisent toutes les postures d'une âme en quête de sens et de transcendance, mais qui reste plantée dans la glèbe de notre terre dont elle connaît tous les plaisirs et tous les pièges. Nouvelle Ève, non plus pécheresse mais glorieuse, «parfaite amante du Christ» selon les mots de Bérulle, Marie Madeleine révèle avec toute la force du mythe la parfaite humanité de Jésus au cœur même de sa divinité. » Isabelle Renaud-Chamska